03. LE JOUEUR AUX 30 CLUBS
C’était devenu un prénom rare, qui devint presque ridicule
plus tard dans la société turque, mais sa maman tenait à donner le prénom de
son grand-père à Dündar, qui grandit d’abord à Auersmacher, en Allemagne près
de la frontière française. Dündar, Onésime de son deuxième prénom, eut une jeunesse difficile sans père ;
Monsieur Fünf s’étant éclipsé au gré de ses postes à Luxembourg, à Bruxelles, à
Strasbourg, à Paris, à Genève, etc.
C’est à l’Entente Kleinblittersdorf-Auersmacher fraîchement
formée que Dündar commencera le football. Il y jouera jusqu’au déménagement à
Sarrebruck, la grande ville voisine, où il intègrera successivement le SV Saar
05 puis le club phare du 1. FC Saarbrücken, en U17. Dündar n’avait pas appris
correctement le français, alors que son père était parfaitement bilingue, et
son exil à l’AS Nancy Lorraine à l’âge de 18 ans fut difficile. Il ne tint que
4 mois sur place, non sans côtoyer Toro, une future star du football mondial.
A son retour à Sarrebruck, on lui signifia qu’il n’avait
aucune chance de jouer en équipe première qui lorgnait de plus en plus sur une
promotion en 2. Bundesliga. C’est 70 km plus loin, à Kaiserslautern, que Dündar
Fünf, germano-turc, mais aussi en partie français par son père naturel,
signerait son vrai premier contrat à 19 ans. Il espérait participer à la
remontée en 1. Bundesliga, mais ne fut aligné en première partie de saison que
pour les matchs de coupe, et n’eut que peu de temps de jeu. Pourtant « Dündar »,
que tout le monde appelait par son prénom, avait un vrai talent. Il pouvait
jouer latéral droit, milieu droit, ailier droit voire attaquant, et se
débrouillait aussi de l’autre côté. Avec l’équipe réserve, il avait aussi
évolué comme meneur de jeu derrière les attaquants. Il était de surcroît plutôt
adroit sur coups de pied arrêtés, et résistant physiquement.
Bref, à 19 ans et demi, il devenait urgent de trouver un
point de chute où il jouerait. C’est à Seraing, en Belgique, que Dündar fut
prêté pour la deuxième partie de saison. Il y disputa 19 matchs et qualifia
l’équipe pour la finale de l’accessit en 1ère division grâce à sa
vitesse sur l’aile droite. Le FC Metz, club parent de Seraing, et qui était
parvenu à se hisser à nouveau dans l’élite française, la Ligue 1 Samsung, lorgnait
sur le talent de la pépite d’Auersmacher. Et l’accord d’un prêt à Metz pour une
saison fut trouvé avec Kaiserslautern, qui garderait la moitié du salaire à ses
frais.
La saison à Metz fut mitigée et se termina par un penalty
raté assez lamentablement en finale de Coupe de la Ligue DS. Metz cédait devant
Strasbourg, dans un derby des plus chauds pour une rencontre de Finale. Mais
Strasbourg avait en quelques sortes apprécié le geste et offra un contrat de
remplaçant à Dündar Fünf, qui parlait maintenant français. Il ne serait pas
dépaysé de toute façon, puisqu’un Badois et deux Suisses-allemands, et deux
autres joueurs d’origine franco-turque composaient l’effectif.
Plus difficile encore fut l’aventure alsacienne. Fünf,
d’habitude jamais blessé, écopa de deux entorses graves à la cheville. Il ne
disputa que 4 matchs de la saison, et le contrat fut rompu en fin de saison
d’un commun accord. Son agent Berthold Philemon Corleone estimait qu’à l’âge de 22 ans il
était temps que son protégé tente sa chance en Turquie. Et à Galatasaray on
aimait ces profils polyvalents et multi-culturels. C’est étonnamment encore un
contrat de deux ans qui fut offert à Fünf, très fier de cette opportunité dans
son club fétiche. Mais Fünf ne porterait jamais le maillot du Galatasaray Spor
Kulübü à cette occasion, suite au changement prématuré d’entraineur. Dündar fut
prêté à Nantes puis à Lens la première saison, avec des résultats plutôt
honorables en Ligue 1, qui était devenue Ligue 1 LG. Puis ce fut L’Español de
Barcelone, puis le Betis de Séville en 2e division espagnole. Il y
termina 3e buteur en ayant joué 19 matchs, une très belle
performance remarquée par le grand FC Barcelone. En fin de contrat, Fünf, dans
une forme éclatante, snoba Galatasaray, et passa avec succès l’essai au Barça à
l’âge de 24 ans. Il obtint encore un contrat de deux ans.
Dündar était à son quatorzième club déjà, et savait que ce
ne serait pas facile de trouver sa place dans le club phare catalan. Et il fut
immédiatement prêté à Monaco ! Thierry Henry, le coach dans son deuxième
passage mais maintenant très expérimenté et quasi-indéboulonnable, comptait sur
« Dündar ». Et patatra, voilà qu’une troisième entorse à la cheville
mit fin au prêt. En fin d’année, Fünf joua avec la réserve du Barça, mais il
était clair qu’il fallait tout reconstruire.
Dündar fut prêté à Lyon pour les cinq derniers mois de la
saison. Il y fut devancé toute la saison par le britannique Oscar Zhang-Madsen,
au sommet de son art. Le onze lyonnais variait très peu, et ce ne sont que 5
apparitions en tout et pour tout qui s’ajoutèrent au CV de Fünf.
Le 17e club de « Dündar » fut
étrangement l’Ajax d’Amsterdam, qui avait perdu ses deux milieux droits, et qui
piocha ses deux recrûes à Lyon. Le contrat Barcelonais était racheté, et pour
ses 25 ans, Dündar disputerait son 200e match professionnel sous le
maillot blanc et rouge de l’Ajax.
Et Dündar profita de la blessure de Zhang-Madsen pour
s’imposer. Il inscrivit onze buts en vingt-et-une rencontres, et Arsenal FC
contacta Corleone. Au 1er janvier, Fünf était « Gunners »,
affublé du nom « Dündar » sur le maillot. Mais la concurrence fut à
nouveau plus difficile pour notre ami. Il fut prêté au prometteur club de Dagenham
& Redbridge une demie saison. Finalement Birmingham rachètera son contrat.
Il y côtoiera le jeune Gemili Cricket, mais sera prêté à Aston Villa. A nouveau
grande forme, Fünf attisera les convoitises du plus grand club chinois,
Shanghai SIPG.
A 27 ans, Dündar Fünf signe en Chine, pour son 8e
pays. Il y trouve un bon salaire et une vie moderne. Mais sa forte tête d’agent
l’incite à trouver encore plus fort : la MLS Nord-américaine offre encore
davantage ! Et hop, à peine six mois en Chine, que Fünf, sous l’emprise de
son agent, se retrouve au Canada à l’Impact de Montréal, un des plus grands
clubs nord-américains. Il y dispute une saison complète avec des résultats en
dent de scie. Il rate la sélection turque de peu.
De retour en Europe, Fünf atterrit au Torino, puis à Bari,
puis à Paris. C’est désormais un joueur expérimenté, mais qui signe des
contrats courts qui arrangent tout le monde. Il reste grassement payé, mais à tendance
à dilapider son argent dans les jeux en ligne ou avec les filles. Et Marseille,
qui adopte alors ce genre de profils, récupère Fünf dans sa 31e
année. Il plantera 28 buts et amènera l’OM en Ligue des Champions. Sans doute
le sommet de sa carrière.
L’OM lui offre alors une prolongation de contrat, mais Fünf
retourne à Galatasaray pour une pige. Il espère y glaner une sélection turque.
Et elle surviendra dès le début de saison dans un match amical contre l’Empire
d’Ethiopie-Erythrée (0-0). Ce fut l’unique sélection internationale de Dündar,
que les médisants (surtout locaux et turinois) surnommaient « Sex »
depuis qu’il avait inscrit un but important en championnat italien avec ses
parties, à l’époque du Torino.
Ce retour en Turquie fut abrégé, et Fünf signa son dernier
grand contrat professionnel au Servette Genève FC. Le champion suisse cherchait
alors de l’expérience internationale et Corleone s’était placé d’entrée. Fini
« Sex » c’était le retour de « Dündar ». Après une bonne saison,
encore une fois sans blessure mais avec un peu de concurrence, notre ami
entamait maintenant à 33 ans sa dernière année de contrat. Pas de chance, une
quatrième entorse mis fin à la carrière professionnelle de ce joueur volatile,
mais qui, il faut le dire, récoltait beaucoup de coups de ses adversaires.
Fünf fit quand même une tentative de retour à Galatasaray,
mais son année de contrat termina en prêt en Championnat National français à
Compiègne, son 29e club.
Après 10 pays visités professionnellement, Fünf prit d’abord
ses distances avec le football. Une année sabbatique étant passée, il revint au
Fusion Luxembourg dans le championnat du Benelux comme entraineur-joueur
amateur, puis à Galatasaray, puis à Valenciennes, Stuttgart, Bruges, Metz, et
nouveau Galatasaray sous différents rôles dans l’équipe technique voire de la
Direction Sportive ; avant de devenir sélectionneur de l’équipe du Togo
pendant 3 ans – et de conclure sa carrière le jour de ses 60 ans.
Il fut honoré l’année suivante par la Fifa, Killian Mbappé
et Steeven Ribery l’encadraient, pour son expérience de vie incroyable, dont ses
373 matchs professionnels dont 22 dans 3 Coupes continentales différentes.
« Dündar » en fut grandement ému. Sensible et pourtant solide
physiquement (hormis sa cheville), il avait certes épuisé 5 mariages, mais
connaissait le vrai football comme très peu de monde.
Son milliardaire d’agent venait à peine de disparaitre, que
Dündar Fünf se sentit étrangement libéré.
Parcours de Dündar Fünf, dit « Dündar », en tant que joueur :
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