15. JEAN-BRICE SAINT-BERNARD
Comme lui-même était en train de le devenir, le père de
Jean-Brice Saint-Bernard, Brice Delsouiller, était pâtre et jeune éleveur de
vaches gasconnes dans les Pyrénées, et aussi « Skyrunner ». Mais à la
différence de son père, Jean-Brice jouait au football régulièrement, et était
bien moins affecté par l’envie récurrente des sommets et de la nature. C’est
ainsi que Jean-Brice restait souvent dans la vallée, et exploitait ses capacités
d’endurance et d’agilité sur les stades de l’Ariège. Et naturellement, ses
qualités l’amenèrent d’abord à Luzenac à 17 ans puis plus loin à Toulouse à 20
ans ou un choix difficile presque cornélien se présenta à lui.
Jean-Brice Saint-Bernard fit le choix de l’émancipation de
son père, dans la continuité de sa mère Bertrande Saint-Bernard, gymnaste
professionnelle dans ses jeunes années, et signa donc dans la ville rose qui
ambitionnait le retour en Ligue 1 française. Ces dernières années, le TFC disputait
régulièrement à Limoges, Grenoble, Troyes ou encore Mulhouse, les play-offs de
promotion pour disputer le « graal » : la rencontre de barrage
contre le 19e de Ligue 1 LG. Le système actuel voulait que le
dernier de Ligue 1 LG était directement relégué, comme le premier de Ligue 2 Lidl
était directement promu. L’équipe 19e de Ligue 2 Lidl disputait
ensuite un barrage contre le vainqueur d’une série de matchs de fin de
championnat, les play offs, disputées entre les 2e, 3e, 4e
et 5e de Ligue 2 Lidl. Le vainqueur irait jouer la saison suivante
en Ligue 1 LG.
Ces dernières années, l’équipe déchue de Ligue 1 LG
remontait systématiquement l’année suivante, tant les niveaux liés aux revenus
de la médiatisation importante de la Ligue 1 LG et faible de la Ligue 2 Lidl
s’étaient différenciés. Le Toulouse FC comme les quelques concurrents
récurrents faisaient partie des équipes qui aurait pu briguer la promotion,
mais le système était devenu très difficile, et la dernière équipe qui avait
passé les barrages, Nancy, l’avait fait il y a cinq saisons face à Troyes.
Saint-Bernard, ses petits 1m80, ses légers 68 kg, ses yeux bleus, rejoignaient
ainsi un club en manque d’exploit. Le capitaine Sami Cotanho, ainsi que
l’entraîneur Ismaël Penth l’accueillirent à bras ouverts, considérant les
qualités exceptionnelles de l’ancien pâtre « skyrunner ».
La première saison fut difficile pour Saint-Bernard, mais le
club faisait le parcours attendu. Certes le vieux Stadium était loin d’être
rempli pour la plupart des matchs, mais Penth avait de la bouteille, et manœuvra
à merveille face aux rivaux ; y compris face à Cannes, le club déchu de
Ligue 1 LG. Au Stadium, Toulouse arracha un 0-0, qui vit pendant 35 minutes le
rythme incessant des jambes de Jean-Brice Saint-Bernard sévir sur l’aile droite
de l’attaque de la Ville Rose. Au match retour, ce fut bien plus difficile, et
le 6-0 prit à Pierre de Coubertin devant 25000 spectateurs fut un tournant de
la saison pour Penth et Saint-Bernard, qui n’avait pas disputé la rencontre.
Désormais le montagnard disputerait chacune des 13 rencontres de championnat
restante, et en intégralité.
Toulouse termina 4e, comme l’année précédente,
mais avec un goal-average amélioré, sachant que Saint-Bernard avait inscrit 6
des 9 derniers buts de la saison. Avec un total de 8 buts toutes compétitions
confondues, il était même troisième meilleur buteur de son club, alors que ça
n’a jamais été une de ses qualités auparavant. Les barrages tournèrent court,
quand Saint-Bernard, vraiment en grande forme, fut agressé lors de la première
rencontre. Son entorse du genou mettrait fin aux espoirs toulousains malgré un
Cotanho remonté. Cannes retournerait en Ligue 1 LG, Mulhouse disputerait à
Nancy la place de barrage.
La seconde saison fut meilleure. Si Cotanho et Penth
avaient quitté le club, une nouvelle génération de jeunes joueurs arrivaient.
Evangelista et Pierron notamment étaient de jeunes joueurs à peine arrivés,
mais qui feraient une grande carrière. Le nouvel entraîneur Adil Taoui,
revenait au club avec toute son expérience internationale, même s’il avait raté
la sélection pour la Coupe du Monde en Argentine. L’équipe fut emmenée par un
esprit de camaraderie pas vu depuis longtemps, grâce à cette fraternité du
Sud-Ouest, comme on ne la voyait plus que dans le rugby et les villages de
montagne. Idéal pour que Jean-Brice Saint-Bernard s’y fasse une place de choix.
Toulouse remporta ses cinq premiers matchs mais chuta face
aux relégués du RC Lens. Une nouvelle série reprit, où Saint-Bernard disputa à
nouveau tous les matchs victorieux. Après 17 journées, Toulouse avait remporté
16 matchs et figurait en tête du classement. L’histoire perdura sur ce même
rythme et jusqu’à Bollaert-2030 devant 50000 spectateurs au début du mois de
mai suivant. Saint-Bernard inscrivit le penalty de l’égalisation, et qui
détrônerait définitivement le RC Lens.
Saint-Bernard n’était pas un joueur médiatique, ses
interviews étaient quelque peu lunaires, et ce soir-là au fin fond du
Pas-de-Calais, ce fut même ridicule. Contrairement à ce qui aurait pu se
passer, cette interview le rendit célèbre et le grand Havre AC avait alors
décidé de suivre la petite pépite de 22 ans du sud de l’Ariège. Toulouse
réalisa l’exploit de la promotion directe, mais Saint-Bernard irait disputer le
haut du classement de la ligue « suprême » en Normandie, loin de ses
montagnes.
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