14. LA METAMORPHOSE


Enola Papilien était une charmante et intelligente menue jeune femme franco-ontarienne qui s’était mise au football comme beaucoup de jeunes filles nord-américaines, preuve historique de la différence culturelle entre l’Amérique du Nord et l’Occident plutôt latin. Elle s’était engagée dans une vie professionnelle largement sustentée de voyages, de nouveautés, de défis – grâce à un professionnalisme à toute épreuve. Et pourtant, elle avait su conserver une place certaine, comme un refuge, à sa passion pour le football, qu’elle jouait de façon légère mais engagée. Cela y compris au gré de ses aventures dans les contrées les plus conservatrices dans le domaine de la féminisation de la discipline.

Avec le krach boursier des années 20, Enola allait changer de voie professionnelle. Et cette passion qui l’avait conduite jusqu’à devenir entraîneur adjointe de l’équipe féminine de quartier du Nord de Moscou, pris alors le dessus. Sa capacité d’analyse combinée à ses qualités interpersonnelles, le tout saupoudré d’une sensibilité profonde l’avait convaincue qu’elle pouvait en faire son activité principale.

Ce krach boursier l’invitait de tout de façon à un break, puisque sa multinationale d’employeur revoyait enfin peut-être toute son organisation et des wagons de licenciés allaient sans doute s’en suivre. A 33 ans, c’était le moment de retourner au pays. Celui de la résurrection de son esprit d’enfance !

Enola laissa alors derrière elle cette vie trépidante de multinationales et de mégapoles et revint sur les terrains, à Ottawa. C’est auprès des Furies qu’elle trouve cette nouvelle vie, d’abord en tant que coach adjointe de l’équipe féminine. Et en effet, Enola avait convaincu la coach en chef, Lara Dickenmann, la suissesse, qu’elle avait côtoyée brièvement lors d’un de ses passages à Zurich.

Rapidement, Lara reconnut avec sourire qu’elle avait fort à faire avec une telle experte de l’analyse tactique et de la gestion des joueuses. Pourtant c’était un atout pour toute l’équipe. Cette première saison se termina d’ailleurs par le titre de champion en United Women’s Soccer League, la deuxième division Nord-américaine. Et Enola, qui n’avait joué que 3 matchs amicaux avec l’équipe, avait dès lors pris un rôle prépondérant sur le banc : dans l’élaboration des schémas tactiques, ainsi que dans un rôle de team manager, au plus proches des joueuses. La chrysalide se transformait en papillon.

La meilleure d’entre elles était probablement la gardienne de but allemande Lorraine Völler, petite fille de Rudi, une star des années 80 et 90. Lorraine et Enola étaient devenues de grandes amies et échangeaient en anglais comme en français, dans cette magnifique souplesse d’expression locale. La grande Lorraine (1m92) et la plutôt menue mais assez musculeuse Enola (1m65) formaient d’ailleurs un duo assez remarquable. Lorraine venait d’ailleurs de devenir internationale, grâce à une sélection à Tachkent face à la RSS d’Ouzbekistan et une victoire 0-3.

Toujours est-il qu’à l’issue d’une deuxième saison disputée en National Women’s Soccer League (NWSL), avec une bonne moitié de victoires, il était évident qu’Enola devait se confronter à ses capacités à devenir un maître-entraîneur. Et c’est à l’Impact de Montréal, le club voisin de 3h de route, que non seulement Enola Papilien mais aussi Lorraine Völler allaient alors évoluer. Le parcours de notre héroïne canadienne continua de plus bel, avec une 3e place en championnat et notamment 7 victoires d’affilée en fin de championnat. Enola, comme un papillon, allait continuer son ascension en recrutant de nouvelles joueuses nippones et espagnoles qu’elles avaient appris à connaître quelques années plus tôt lors de ses périples en Europe et en Asie.

Enola devint entrainement en chef de l’équipe championne de NWSL la saison suivante devant North Carolina Courage et New York City. L’Impact de Montréal dominait alors le football américain comme jamais un club l’avait fait auparavant : simultanément chez les hommes et les femmes !
Enola qui voulait vivre sa vie, ne voulait toutefois plus connaître les superlatifs de la Grande Vie. Elle refusa une prolongation de contrat, une offre pourtant alléchante du Real de Madrid CFF, ainsi que s’opposa à un retour à Shanghai, au SIPG.

En retournant à Ottawa, Enola rejoignait ses parents mais aussi sa sœur Carolina et son frère Loupio. Les Furies faisaient alors la meilleure affaire de l’histoire du club. Non seulement Lorraine Völler y revenait avec son amie Enola, mais surtout c’est un nouveau coach pour l'équipe masculine que gagnait le club ontarien.

Et c’est ainsi que les Ottawa Furies obtinrent leur licence en MLS, grâce à des résultats et une médiatisation régionale qui explosaient !

Dans les années qui suivirent, Enola contribua ainsi à l’avènement de joueurs comme Jean-Albert Martin-Blanc (Can), Câpre Ferraoui (Fra), Lex Williams (USA), ou encore Farrokh (Cal). Et d’autres joueurs de renom comme Caster « Goliath » Semenya (AfS) ou Adil Taoui (Fra) y avaient terminé leur carrière, sans oublier le grand honneur du passage de 6 mois du Prince Georges, avant qu’il n’inaugure sa première sélection internationale.

Enola Papilien avait ainsi démontré qu’à force de courage et de professionnalisme, mais aussi appuyée sur des valeurs humaines, on pouvait encore, même au milieu du XXIe siècle, obtenir des résultats exceptionnels et faire avancer la cause féminine.


EPILOGUE

A l’âge de 50 ans, Enolia Papilien quittera la Terre définitivement avec la 4e mission martienne, ses qualités scientifiques et de gestion humaine ayant finalement prévalu sur sa passion footballistique. Le papillon venait alors de prendre son envol pour toujours.

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