05. CINQ JEUNES VAUDOIS


PROLOGUE

Le père de Marius Strasser était l’instituteur de la classe des 8 et 11 ans du village de St Barthélémy, à quelques kilomètres de Lausanne en Suisse. Il connaissait de fait tous les copains de son fils, puisqu’il les avait encadrés deux fois au cours de leur cursus primaire dans l’école du village. Accessoirement le papa-instituteur était aussi amateur de Football et avait accompagné la bande des 5 doués, maintes fois dans leur jeunesse…

CINQ JEUNES VAUDOIS

Marius était un milieu de terrain élancé et technique. Il complétait allègrement les qualités offensives de Matteo Righetti, le meneur de jeu historique de sa classe d’âge et capable d’exploit sportif dès les plus jeunes années. Le père Righetti était d’ailleurs le maire du village depuis belle lurette et côtoyait souvent le père Strasser. Et les deux allaient parfois ensemble aux matchs de leurs rejetons… Marius et Matteo aimaient appuyer leurs offensives sur l’aile gauche de Leo Maurizzio, un véritable ailier de poche gaucher, un feu follet très volontaire et doté d’un enthousiasme incomparable. Le petit Leo avait toujours pris avec un certain recul les railleries sur sa petite taille, et ses débordements astucieux tout en faufilade étaient une espèce de revanche cachée sur son sort…

Kevin et son cousin Killian Berger complétaient le quintet ; ils avaient respectivement vécu en contre-bas et en contre-haut de St Barthélémy, mais se côtoyaient souvent et avaient plutôt une bonne estime des trois autres, qui le leur rendaient bien. Les deux étaient de solides gaillards, et l’avaient plus ou moins toujours été. Kevin jouait le plus souvent latéral gauche, même s’il préférait des postes plus offensifs, alors que Killian avait trouvé sa voix au poste de défenseur central.

Marius, Matteo, Leo, Kevin et Killian avaient évolué ensemble à tous les niveaux jusqu’à quelques apparitions en équipe première du FC St Barthélémy, puis avaient progressivement évolué vers la formation-sélection M21 du Team Vaud pendant quelques mois. Matteo puis Leo avaient d’abord franchi le pas, puis leur entraîneur, le vieux Sébastien Fournier, un Valaisan quelque peu genevois adopté chez les Vaudois, avait insisté pour recevoir du renfort défensif, ce qu’il obtenu clairement avec les 3 derniers compères (conseillé, parait-il, par le maire de St Barthélémy…)

L’équipe du Team Vaud s’était soudainement retrouvé en tête du championnat de 1ère ligue suisse, et pu accéder à la Promotion League, la troisième division suisse, avec une ribambelle de gamins de 20 ans environ, dont nos cinq amis – dont les liens s’étaient encore renforcés avec cette belle aventure. Ils étaient maintenant convoités.

Au-delà de leurs qualités footballistiques, les cinq jeunes Vaudois étaient aussi de vaillants garçons plutôt modestes et travailleurs, ce qui leur valait une bonne réputation générale et une grande estime dans la région. Difficile de passer à côté quand on est le grand Lausanne-Sport qui vient d’être titré dans l’élite, après un vide de plus de septante ans. Bon, désormais, il y avait beaucoup d’argent, et le club familial des années antérieures avait fait place à une entreprise motivée par le spectacle et la performance pure, qu’elle soit économique ou sportive.

Mais quand même. Leo et Matteo furent transférés au Lausanne-Sport, alors que Killian, qui avait été abordé, ne s’était pas senti prêt. Il irait jouer à Fribourg en Promotion League, alors que le cousin Kevin et Marius resteraient un an de plus au Team Vaud. Finalement leurs chemins commencèrent à se séparer, sauf qu’en équipe nationale des Espoirs, Leo, Matteo et Marius firent quelques apparitions communes. Kevin et Killian furent présélectionnés, mais ne purent jamais honorer de sélections.
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Avant ce grand match qu’attendait et qu’appréhendait aussi beaucoup le père de Marius, le fils Strasser avait fini par s’imposer au Lausanne-Sport, mais était en définitive le seul à y jouer. Leo brillait désormais avec Neuchâtel Xamax depuis deux saisons, alors que Matteo portait les couleurs de Stuttgart en Allemagne, et avait contribué au retour en Bundesliga 1 de son équipe. Kevin et Killian Berger jouaient eux avec Servette, le grand rival de Lausanne ; mais dans la région on est fier mais pas si rancunier que cela. La saison dernière avait eu cela de remarquable que Lausanne avait devancé Servette et Xamax en Championnat dans un classement « mouchoir de poche » totalement épique.

Ce match international contre la Pologne était décisif pour la qualification à la Coupe du Monde Coca Cola en Australie. Les 5 amis le savaient très bien, et la décision du coach Von Bergen de les réunir à nouveau, cette fois sous le maillot de la croix blanche, était un événement incroyable qui ajoutait encore un peu de pression sur leurs jeunes mais toutefois solides épaules. Killian ferait sa première apparition en tant que titulaire, alors que Kevin et Leo seraient sur le banc. La question ne se posait presque plus pour Marius et Matteo qui honoraient maintenant une 4e titularisation d’affilée. Avec 5 vaudois dans l’équipe nationale, la vieille Romandie était soudainement sur-représentée, sachant que 2 autres joueurs formés à Servette ainsi qu’un Neuchâtelois d’origine amenaient ce nombre total à 8 sur 20.

L’histoire retiendra que la Suisse s’imposât à Berne sur le score de 5-2, grâce à une prestation éclatante de Leo entré en jeu tardivement mais auteur d’un « goal » génial en lobant le gardien de but polonais depuis une course repiquée au centre, et surtout de trois autres passes décisives dont une pour Marius et une autre pour Matteo. Matteo inscrivit d’ailleurs un coup franc magistral, sachant que le 1-2 de la mi-temps fut maîtrise de main de maître en seconde période par le duo Berger qui contrôla totalement la situation défensive (aucun but ne fut encaissé en 2e période). Les cinq potes sont maintenant congratulés par leur ancien instituteur rejoint par le maire de St Barthélémy qui vivent une nouvelle jeunesse par procuration à travers cette nouvelle génération.

« Incroyable quintet » titrera même le sobre et institutionnel journal en ligne du « temps.ch » qui par divers témoignages retraçait les personnalités attachantes des cinq garçons de la campagne vaudoise. La Suisse irait en Coupe du Monde, et avait arraché sa place devant une équipe plus forte mais dominée par l’esprit et la force de cette jeune équipe helvétique.

EPILOGUE

Plus tard, au mois de juin, la Suisse affrontera successivement la Grande Bretagne unifiée, le Canada et la Colombie, malheureusement sans jamais aligner les 5 compères de St Barthélémy en même temps. Si le jeune Leo marquera contre le Canada, et obtiendra un 3e prix Internet de la performance dans cette épreuve australienne, les quatre autres ne pourront aligner que des bribes de temps de jeu.

Finalement la Suisse obtiendra deux matchs nuls face au Canada et la Colombie, insuffisants pour se qualifier. Et la bande de se retourner malheureuse de cet échec dans les clubs respectifs. Mais l’histoire de ces forts liens entre hommes ne se terminerait certainement pas aussi vite…

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